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trouvent pas rassasiés, tant qu'il reste quelque chose qui n'est pas à eux.

— Je suis entré sous le couvert d'une grande forêt. Des oiseaux noirs ou gris tournoyaient au-dessus des arbres sans pouvoir se percher dans leurs branches.

— Ce sont ceux qui assistent à la messe avec leur corps, non avec leur âme. Ils prient des lèvres, mais leur pensée est ailleurs. Tout en marmottant : Hon tad^ pehini zo en env\ ils songent : « S'est-on souvenu de donner à manger au cochon » ? « La servante a-t-elle mis le lard dans la soupe ? » Leur esprit voltige sans cesse, et ne peut s'arrêter à la seule préoccupation qui importe : celle du salut.

— Quand j'ai été plus avant dans la forêt, j'ai rencontré des nuées d'oiseaux blancs. Ils se posaient dans les hautes branches et chantaient à ravir.

— Ce sont ceux qui, sans mériter le paradis, sont trop purs pour le purgatoire. Ils font entre ciel et terre une douce pénitence.

— Je suis parvenu au pied d'une montagne. Il y avait là du gazon plus agréable au toucher que le velours. Une brise a passé, semant une odeur suave. Puis des voix se sont mises à chanter bellement, mais tristement. Je n'ai jamais entendu chant plus frais et plus mélancolique.

-^ Ce gazon si moelleux, mon filleul, c'est la tendre chair des enfants morts sans baptême*. La bonne odeur est celle du baptême qui les attend au jour du

1. C'est le Pater en langue bretonne.

2. Cf. t. II, p. 80.