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valets de veiller avec lui, sans cependant lui dire de quoi il s'agissait. Ils s'assirent donc l'un en face de l'autre, burent quelques écuellées de cidre, échangèrent quelques propos, puis, Rumeur étant parti dans ses songeries habituelles au sujet de la morte, la conversation tomba.

— Pour ce que je fais ici, je serais bien mieux dans mes draps, se disait le domestique qui se sentait gagner par le sommeil.

Et le maître,qui mesurait le temps à son impatience, se disait de son côté :

— C'est peut-être à cause que j*ai un étranger avec moi qu'elle tarde tant à venir.

Il se trompait. Car, au coup de minuit sonnant^ la porte de nouveau s'ouvrit, de nouveau Marie-Jeanne la défunte entra, de nouveau elle recommença son manège de la veille. Et, pas plus que la première fois, elle ne fit attention aux êtres du logis, uniquement occupée, cette fois encore, de s'admirer elle-même dans sa belle robe. ^

— Jésus^ me zo ficheti Jésiis^ me zo brawl... Joseph Rumeur, quand l'apparition se fut évanouie,

interpella le garçon de labour :

— Eh bien I tu as vu et entendu, n'est-ce pas ?

— Quoi donc ?fit celui-ci en sursautant sur son siège.

Le pauvre homme, comme il est naturel pour quelqu'un qui a besogné aux champs toute la journée, s'était si profondément endormi, à l'insu de son maître et malgré sa propre volonté, que ni les allées et venues de la morte, m le grincement des meubles ne l'avaient ému.