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Il la vit sourire avec complaisance à son image qui était pourtant peu séduisante^ puisque c’était l'image d’une morte et d’une enterrée. Après quoi, elle commença de marcher à travers la maison.

— Elle se dirige vers moi, elle va me parler, se disait Joseph Rumeur.

Et, dans sa poitrine, son cœur sautait avec force.

Mais, arrivée près de l'âtre, elle ne fit même pas mine de s’apercevoir qu’il y eût là quelqu’un, et, tournant les talons, reprit sa promenade en sens inverse. Elle n’était occupée que de balancer élégamment sa taille, de rodéal 1, comme on dit, et de s’assurer, par dessus son épaule, si sa robe derrière elle faisait bien. Or, il faut croire qu’elle se trouvait pimpante à souhait, car, tout en allant et en venant de la sorte, elle ne cessait de répéter :

— Jésus, me zo fichet ! Jésus, me zo braw ! (Jésus, que je suis bien mise ! Jésus, que j’ai jolie tournure !)

Quand son heure* fut écoulée, elle se déshabilla comme si de rien n’était, et disparut, sans même avoir donné un coup d’œil au berceau où dormait son enfant. Et cela contrista Joseph Rumeur plus encore que l’indifférence qu’elle avait montrée envers lui. Le lendemain, il se demanda :

— Savoir si elle reviendra ce soir ?...

Et, moitié pour se prouver qu’il n’avait pas rêvé les yeux ouverts, moitié parce qu’il ne se souciait plus autant de rester seul au coin du feu, il pria un des

1. Marcher en se dandinant.

2. C’est-à-dire le temps qui lui était accordé.