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LES REVENANTS DANS LE ROMAN d'AVENTURE

tes peines. Remonte sur mes épaules, que nous nous mettions de nouveau en chemin.

L'un portant l'autre, ils traversèrent la mer brumeuse. L'homme surnaturel marcha sur les eaux trois jours et trois nuits. Le jour, une colonne d'écume blanche cheminait devant lui, pour lui montrer la route. La nuit, c'était une claire étoile,

La troisième nuit, il dit à Jean Carré :

— Reconnais-tu cette terre ?

— Oui, c'est celle où je suis né.

— Tu n'as plus besoin de moi. La grève commence ici. Ne t'attarde point. Rends-toi directement à Ker-déval. Tu y trouveras ta femme en train de se remarier avec le Juif qui te jeta naguère à la mer. Ne coupe ni tes cheveux, ni ta barbe. Fais-toi embaucher parmi les serviteurs de la maison, pour n'importe quelle besogne. Je sais que l'on est en quête d'un fendeur de bois. Tu pourras te proposer comme tel. Et maintenant, avant que je t'abandonne à ton sort, dis-moi, Jean Carré, aurai-je le droit, si on me le demande, d'affirmer que je t'ai rendu service ?

— Tu as le droit de le proclamer en tout lieu. Moi-même je n'y faillirai point.

— Béni sois-tu pour cette parole ! Elle m'ouvre le paradis. Je suis le mort dont tu payas jadis les dettes et à qui tu fis donner la sépulture *. A mon tour, j'avais

1. Un conte très répandu en Irlande est celui du mort que l'on refuse d'enterrer parce qu'il a des dettes ; un passant charitable paie les créanciers. Le mort revient sous la forme d'un homme adroit et avisé pour aider son bienfaiteur dans les tâches difficiles