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hors, aux gens d'importance, mareyeurs ou marchands de homards, avec lesquels mon grand-père était en rapports et qui venaient lui rendre visite, une ou deux fois Tan.

En temps ordinaire, elle demeurait close. Nul n'y pénétrait, sauf ma grand-mère, pour épousseter les meubles ou faire la lessive du plancher, et, naturellement, la bonne vieille ne s'attardait pas à se mirer dans la belle glace, se contentant tout au plus de lui donner au passage un coup de torchon.

Or, quelque cinq ou six mois après le naufrage en question, une filleule à mon grand-père, qui habitait Audierne, annonça par lettre son intention^ de se rendre au pardon de saint Gwénolé qui est la fête de rUe. C'était une espèce de demoiselle, comme toutes les jeunes filles des villes, et il fut décidé qu'on la logerait dans la grand'chambre, pour lui faire honneur. Donc, le jour de son arrivée, ma grand-mère la conduisit à l'étage, dans la pièce qu'on lui avait destinée et ne manqua pas, vous pensez bien, de lui dire dès le seuil :

— Vous allez voir, Marie Dagorn, quel beau miroir nous avons !

Mais, tout aussi vite, elle s'écria, la voix changée :

-^ Tiens 1 qu'est-ce qu'il a donc ?

Le verre qu elle avait si soigneusement nettoyé la veille était voilé comme d'une brume et des gouttes d'eau ruisselaient de haut en bas, pareilles à des larmes.

— Oh ! fit la jeune fille, un peu d'humidité, sans doute. Ça n'est rien.