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d'une honnête femme... Katic de Keranniou, relevez votre front. C'est à ceux qui médisent de vous de baisser la tête... »

A partir de 6e jour, on laissa la veuve tranquille. Elle accoucha d'un enfant chétif, mais qui ressemblait à tous les autres enfants, sauf ce détail, qu'il n'avait pas d'yeux dans ses orbites*.

Il avait en revanche une intelligence extraordinaire. On le mena baptiser. Quand on le rapporta à la ferme, il se mit à parler comme un homme et dit à sa mère combien de verres et quelles espèces de liqueurs les gens du baptême avaient bus à l'auberge du bourg.

Les personnes présentes en demeurèrent tout ébau-bies. Elles comprirent alors que le recteur avait eu ses raisons pour parler comme il avait fait. Il ne fut plus bruit dans la contrée que du nouveau-né de Keranniou.

Le soir du jour où il naquit, on vit arriver le Vieux qui n'avait plus reparu à la fercne depuis l'incident de la crêpe. Non qu'il s'en fût éloigné. On l'avait maintes fois aperçu rôdant aux environs, dans les « garennes » abandonnées. Souvent aussi sa tête s'était montrée derrière le vitrage de la fenêtre. Mais il n'avait plus franchi le seuil.

Ce soir-là, il reprit sa place au foyer, du côté où se trouvait le berceau, contre le lit de la mère. Il y passa les journées et les nuits. Dès que l'enfant pleurait, il

1. Cf. le GioUa gan sûilibh (garçon sans yeux) d'un conte irlandais (G. Dotlin, Contes irlandais', p. 32).