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Tout de même, on voyait bien qu'elle n'avait pas sa mine des bons jours. Au moment de prendre congé de l'hôtesse de V Ancre d'Argent, elle lui dit d'un ton trisle :

— J'ai idée que le retour sera dur. II y a dans mon oreille gauche quelque chose qui sonne un mauvais son...

Mais cela ne l'empêcha pas de fouetter Mogis et de se remettre en route, sous le soir hâtif de décembre, qui tombait, après avoir fait un signe de croix, en vraie chrétienne qui sait quMl faut toujours avoir Dieu de son côté. Jusque passé Pleumeur, tout alla bien, sauf que le froid devenait de plus en plus vif et que Marie-Job, sur son siège, parmi les paquets dont sa carriole était pleine, sentait son corps et son esprit s'engourdir. Pour essayer de se tenir réveillée, elle tira son chapelet et, tout en conduisant d'une main, commença de l'égrener de l'autre. Pour être plus sûre de résister au sommeil, elle récita tout haut les dizains. Mais le bruit même de sa voix acheva de la bercer comme une chanson, de sorte que, malgré ses efforts, elle finit, sinon par s'endormir, du moins par perdre conscience. Brusquement, à travers sa torpeur, elle eut le sentiment qu'il se passait quelque chose d*insolite. Elle se frotta les yeux, rappela sa pensée et constata que la voiture était arrêtée.

— Eh bien I Mogis ? grommela-t-elle.

Mogis secoua ses oreilles poilues, mais ne bougea point.

Elle le toucha du fouet. Il ne bougea pas davantage. Alors elle le frappa avec le manche. Il bomba