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heure avancée de la nuit, la pauvre mignonne restait au logis, toute seule, étendue dans son berceau, sans soins et même sans nourriture, la porte fermée à clef sur elle. Il est vrai que la clef, Camm ar Guluch prenait la précaution de la déposer chez une voisine, la vieille Pébel, avec prière à cette bonne femme de veiller sur la petite de temps à autre. Mais, la vieille Pébel [Pébel-goz), d'ailleurs à demi-impotente, était plus occupée à tricoler des gilets do laine, qu'elle vendait aux pécheurs, qu'à savoir si Tenfant de Camm ar Guluch avait son contenl. C'est tout au plus si elle se donnait parfois la peine de prêter Toreille pour écouter si la pauvre créature ne criait pas. El, comme elle était à peu près sourde, il eût fallu que les cris fussent singulièrement perçants pour qu'elle les entendît.. Aussi, lorsque le cordonnier, au lendemain d'une des équipées où l'entraînait sa femme, demandait à Pébel-goz :

— Eh bien ! ma commère, Tenfanta-t-elle été sage, hier ?

Pébel, invariablement, répondait :

— Sage comme un ange, en vérité.

Et le plus curieux, c'est que c'était, en effet, la vérité. La petite Rozik, si grignoitse quand sa marâtre faisait mine de l'approcher, semblait, au contraire, s'accommoder à merveille de ses absences. On eût dit qu'elle n*élait heureuse que lorsqu'on la laissait seule. Et loin de maigrir, elle prospérait. Si bien que Camm ar Guluch n'eut mémo plus de remords à continuer sa vie joyeuse avec Jeanne Luzuron.

Dans le bourg, cependant, on s'étonnait de voir

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