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La gwerz chantée, chacun rentre chez soi. Puis .on s'installe au coin du feu, pour causer de ceux qui sont morts.

La maîtresse de la maison recouvre d'une nappe blanche la table de la cuisine, et, sur celte nappe, dis* pose du cidre, du lait caillé, des crêpes chaudes*.

intitulé : Kanouennou santelj dilennet ha reizet evit Escopti Kem-per. Ce recueil est de l'abbé Henry. L'auteur a quelque peu modifié le texte populaire. Mais ces modifications n'ont porté que sur certaines expressions auxquelles il a tenu adonner une forme plus archaïque, plus scientifiquement bretonne. Encore a-t-il eu la probité de dresser en tête de l'ouvrage une sorte de lexique des mots anciens qu'il a cru devoir substituer aux termes actuellement en usage.

La gwerz dont je donne ici la traduction est d'un caractère saisissant, mais il la faut entendre chanter en breton par de rudes voix de paysans et dans le cadre funèbre qu'elle comporte. Je n'oublierai jamais l'effet qu'elle produisit sur moi, un soir de Toussaint, dans le pauvre cimetière de Spézet, un bourg perdu de la Montagne-Noire. Toute cette région de la Cornouaille du centre est elle-même une sorte de cimetière préhistorique, hérissé de monticules qui, dans la solitude des landes, semblent un peuple de cairns mystérieux. Dans ce vaste pays mortuaire, cette mélopée puissante, cette lamentation si large, si monotone, avait vraiment iine grandeur farouche et vous communiquait un frisson très particulier.



1. Ces repas des morts deviennent de plus en plus rares .Mais l'usage n'en est pas entièrement aboli. Cambry écrivait en 1799 : « le !•' novembre, on fait encore dans quelques cantons reculés [du district de Quimper], des crêpes, un repas pour les morts » {Voyage dans le Finistère^ t. IIl, p. 48 ; cf. 0. Perrin et A. Bouet, Galerie bretonne, t. III, p. 160 ; A. Le Braz, La nuit des morts, dans Pâques d'Islande , p..307).

A risle-aux-Moines (Morbihan), le soir de la Toussaint, on


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