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gestes sages, quasi précieux, et une douce figure de nonne. Sa causerie est charmante de gravité et d’onction. Elle s’exprime avec une aisance tranquille, sans une incertitude, sans une retouche, d’une voix toujours cristalline, souple néanmoins et harmonieusement nuancée. Vous diriez d’une flûte qui module. Elle se plaçait en général à mes côtés, sur une chaise basse, et, pendant que j’écrivais sous sa dictée, suivait des yeux le mouvement de ma main, s’arrêtant pour me permettre de la rattraper, dès qu’elle me sentait en retard. Bref, l’idéal de la conteuse. Marie-Cinthe, elle, est fruste, avec des traits sommaires, une peau rugueuse comme une écorce, et des prunelles vert d’eau, d’un éclat phosphorescent. Maigre, nerveuse, toujours en action, elle apportait dans ses récits une fougue extraordinaire : elle les mimait, les jouait, les vivait, avec une intensité presque farouche ; elle s’hallucinait de ses propres paroles. Il se dégageait de cette étrange vieille une sorte d’électricité qui, à de certains moments, nous faisait frissonner tous. Elle avait des silences éloquents, des silences tragiques. Elle intéressait au drame les choses mêmes qui nous entouraient, l’immense paysage de ténèbres du dehors. « Tenez !... Écoutez le vent !... Écoutez la mer !... » C’était d’une solennité impressionnante et sinistre.

Si la tâche de collecteur de légendes a souvent