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le sol étant plutôt avare et la côte médiocrement poissonneuse. Aussi beaucoup s’embauchent-ils, à l’issue de l’hiver, pour la dure pêche polaire dans les mers d’Islande : ils n’en reviennent guère plus riches, hélas !... quand ils en reviennent. D’autres vont se louer à Jersey, pour la récolte des pommes de terre. Ceux qui répugnent à s’expatrier se créent des industries supplémentaires afin d’ajouter à leur maigre gain. Ils taillent de la pierre, par exemple, dans les vastes éboulis de roches dont ces parages sont semés ; ou bien ils s’emploient à la cueillette d’une espèce recherchée de varech qu’ils vendent aux pharmaciens  ; ou encore ils ramassent le goémon, le fanent, le brûlent pour en faire de la soude, Mais surtout ils quêtent les épaves le long des grèves, à la marée de nuit, quand les douaniers de guet sont hors d’état de les surprendre. En dépit de ces « mille métiers », comme ils disent, leur sort est précaire. Ils ne s’en plaignent pourtant pas. Ils ont dans le sang le bel optimisme de leur race. Chez ceux que la terrible plaie bretonne, l’alcool, n’a point abrutis, la physionomie est gaie, ouverte, avenante. Il n’est pas de réalité douloureuse dont ils ne se consolent par des rêves. Ils aiment les chimères. Dans leurs chaumières basses, devant les maigres feux de brande, ils se récitent ou se font lire des scènes extraites d’anciens romans de chevalerie accommodés en drames naïfs. Ils chantent volontiers