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Un peu à l’écart du groupe masculin s’installe la partie féminine de l’assistance. Ainsi le veut l’étiquette bretonne : le haut-bout de la maison appartient, de par l’antique préjugé social, au sexe fort  ; le bas-bout est le lot des femmes. Celles-ci tricotent, filent, cardent. Au ronronnement monotone des rouets se mêlent le cliquetis léger des aiguilles et le rude grincement des peignes. Dans l’âtre, le feu flambe d’un éclat vif ou brûle d’une douce clarté, selon qu’il est d’ajonc sec ou de mottes. Une mince chandelle de résine fixée à une pince de fer complète le décor : la lumière inégale qu’elle projette n’a guère d’autre effet que de balancer les masses d’ombre à son vacillement fumeux.

Maintenant, écoutez la conversation. Tout d’abord, elle ne roule que sur les menus faits de la journée. Les hommes parlent de leurs travaux : on a ensemencé tel champ, défoncé telle friche, empierré tel chemin. Les femmes échangent les commentaires les plus divers sur la quantité de lait donnée par les vaches, sur le sermon entendu le dimanche d’avant, à la grand’messe, sur le cours du beurre au marché, sur la petite chronique scandaleuse du village et le dernier racontar local. Ce sont des sujets vite épuisés. Quelqu’un dit : « Hé, les filles ! si vous chantiez un sône !... » Ou bien c’est une « histoire » que l’on souhaite d’ouïr, une de ces innombrables histoires d’aventures et