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qu’on ne peut faire tenir en repos que là. De même pour le rocher de Tévennec et les autres élysées maritimes : on n’y a plus logé que les mânes inapaisés des morts de la mer dont nul enclos de terre bénite n’a recueilli les restes.

Le surplus — c’est-à-dire l’immense majorité des morts — on ne se les représente plus accomplissant ces lointaines équipées funèbres. Il semble qu’en entrant dans la tombe, ils entrent du même coup dans l’autre vie. Ils revivent donc, en définitive, aux lieux mêmes où ils ont toujours vécu. Le séjour des morts se confond avec celui des vivants. Il n’est plus ici ou là, dans tel canton terrestre ou dans tel îlot marin : il est partout  ; il s’étend aussi loin que s’étend la Bretagne, et c’est le pays breton tout entier qui devient à la lettre le « pays des morts ». Les légendes le montrent expressément. Invisibles le jour, mais non absentes, les âmes, dès le coucher du soleil, envahissent les champs, les landes, les chemins, pour vaquer à leurs silencieuses besognes. Elles sont aussi nombreuses, aussi pressées « que les brins d’herbe d’une prairie ou les grains de sable de la grève ». Elles devisent entre elles dans le frisson des feuillages et le murmure du vent. Elles rôdent autour des maisons, elles y pénètrent, elles s’y installent jusqu’au premier chant du coq. Longtemps ce fut un usage, en Bretagne, de ne point verrouiller les portes, la nuit, en prévision de la