Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vents ou les pluies, le charnier semble s’effondrer de la même ruine que les ruines humaines qu’il contient ; derrière les barreaux de la claire-voie, pêle-mêle avec des planches de cercueils, les ossements sont empilés par monceaux : il arrive qu’ils débordent et l’on peut frôler, sur l’appui extérieur de la fenêtre, des rangées de crânes moussus qui suivent, de leurs yeux vides, les allées et les venues des passants.

Comme si ce n’était pas assez de la muette éloquence d’un tel spectacle, la plupart de ces « maisons des morts » sont agrémentées d’inscriptions latines, françaises, bretonnes, ressassant toutes le même refrain hallucinant. Memento mori, dit l’ossuaire de Guimilliau  ; Cogita moriRespice finem, répète celui de Lannédern. A Saint-Thégonnec, on croit s’entendre interpeller par les morts eux-mêmes : « C’est une bonne et saincte pensée de prier pour les fidèles trépassés — Requiescant in pace : amen. — Hodie mihi, cras tibi. — O pécheurs, repantez-vous estants vivants, car, à nous, morts, il n’est plus temps. — Priez pour nous, trépassés : car, un de ces jours aussi, vous en serez. — Soiez en paix. » L’inscription de La Martyre, en vers bretons, plus sobre, moins gémissante, a quelque chose de plus âpre aussi et de plus véhément :