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ciseaux dans sa main droite, mais ne se décidait pas à en faire usage.

— Damen! s'écria Gonéri, dès le seuil, il ne semble pas que tu aies beaucoup avancé la besogne.

— Aussi bien, répondit Lénan, ce serait grand dommage d'entamer une toile si blanche pour un pauvre corps qui tombe en pourriture. Ne penses-tu pas que la vieille Marie-Jeanne aimerait autant dormir, une fois morte, dans les draps où elle couchait de son vivant?

— Tu as peut-être raison, dit Rojou qui, comme beaucoup de maris, occupés aux durs travaux des champs, laissait à sa femme le soin de penser pour elle et pour lui.

Il fut entendu qu'on n'entamerait pas la pièce de toile neuve et qu'on ensevelirait la vieille dans ses vieux draps.

Ce qui fut fait.

Le soir même, le glas tinta pour le décès à l'église du bourg. Un menuisier apporta le cercueil  ; MarieJeanne Hélary y fut couchée à demi-nue, et en grande hâte, car elle puait à force. Gonéri Rojou s'était chargé de tous les frais d'enterrement et de sépulture. Dans tout le pays, on loua sa générosité. Le dimanche d'après, M. le recteur le prôna en chaire, lui et sa femme, en les recommandant tous deux en exemple à l'assistance, comme de parfaits enfants de JésusChrist.

Ils ne se montrèrent nullement vains de ces éloges. De quoi on leur sut encore plus de gré:

Au fond, ils n'avaient pas la conscience tranquille.