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d'éloquence encore, c’est le parti que le christianisme sut tirer de cette préoccupation, en la détournant et en l’exploitant à son profit. On a vu que la tradition relative au séjour des sidhe ou des morts est double, en quelque sorte. Tantôt il revêt l’aspect d’un pays marin, baigné par des eaux immenses, dans les lointains lumineux du couchant. Mais tantôt aussi il nous est représenté sous la forme d’une cité souterraine, comme c’est le cas pour les palais qui abritèrent dans leurs profondeurs la race vaincue des Tûatha Dê Danann. Il y a lieu de penser que la vénération païenne dont ces antiques nécropoles étaient l’objet ne fut pas étrangère à la naissance, puis au développement du mythe chrétien du Purgatoire de saint Patrice.

On connaît cette fable pieuse[1]. Lorsque saint Patrice voulut prêcher aux hommes d’Hibernie les dogmes du paradis et de l’enfer, il se heurta chez eux à la plus violente incrédulité. La vie future envisagée comme une sanction de la vie présente n’était pas, en effet, une conception celtique. « Si tu veux que nous croyions à la réalité des tourments dont tu nous parles, dirent les auditeurs de

  1. Cf. Th. Wright, Saint Patrick’s Purgatory. London, 1844 ; Romania, t. VI, p. 154 ; XV, 159, 629  ; Romanische Forschungen, t. VI, p. 139 ; Eckleben, Die älteste Schilderung vom Fegefeuer des heiligen Patricius, Halle, 1885.