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ficha'n hé eun tammic (il faut leur faire un bout de toilette) disait la vieille Henriette Danzé.

Souvent le personnage prête peu à l'éloge. En ce cas, le talent de la prêcheuse consiste à savoir tirer parti des apparences.

Exemple : un homme meurt. Toute sa vie, il n'a guère fait que s'enivrer. Il a fini, comme on dit, « tué par la boisson ». Mais, huit ou dix jours avant de s'éteindre, son état de faiblesse était tel qu'il ne pouvait plus ni manger, ni boire. L'oraison funèbre argue de cette circonstance pour saluer en cet homme le modèle des ivrognes convertis. Ne s'est-il pas rangé dans la dernière semaine qui a précédé son trépas?

Du reste, il n'est pas bon de médire d'un mort1, sinon l'on s'expose à sa vengeance.

On raconte, à ce propos, qu'un cordonnier dePleyben,apprenant qu'un des pires soulards de la paroisse avait été trouvé noyé dans une mare de purin, s'était écrié, en guise d'oraison funèbre :

— Creuvet ê' ta gant hégorfad diwezan! (Il a donc crevé de sa dernière ventrée).

Le soir même, comme il travaillait penché sur son cuir, il entendit respirer fortement derrière lui. Il se

1. Non seulement on ne doit pas médire des morts, mais encore on ne doit parler d'eux qu'avec respect. On ne prononce point le nom d'un défunt en Bretagne sans le faire suivre de la formule Loué da bardono d'an anaon « Dieu pardonne aux défunts! » En Ecosse, les formules les plus employées sont : chuid a fhlaitheanas da « qu'il ait sa part de paradis ! » ou chuid a throcair da « qu'il ait sa part de miséricorde 1 » (J. G. Campbell, Superstitions of the Highlands and islands of Scotland, p. 239).