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plaisir à piétiner les foins. Lorsqu'ils furent plus près encore, leur étonnement se changea en frayeur, car, à la démarche et aux vêtements de l'étrange promeneur, ils le reconnurent pour Barthélomy Roparz en personne.

— Le vieux Loarer prononça :

— Doué da bardori an Anaonî (Dieu pardonne aux défunts).

Incontinent, la vision disparut, et les hommes pénétrèrent dans la prairie où ils trouvèrent leurs fourches disposées en croix deux par deux.

— Ce foin-ci, vous verrez, ne vaudra pas grand'chose, dit Christophe Loarer à ses compagnons.

Cependant, à quelques jours de là, quand on le mit en meule dans la cour du manoir, le foin avait belle apparence... Des mois s'écoulèrent. Le propos de Loarer était depuis longtemps sorti de l'esprit des domestiques et Loarer lui-même ne faisait plus mine de s'en souvenir. Un soir, Louis Roparz dit au valet d'écurie :

— Marquis (c'était un surnom qu'on lui donnait), tu prendras dorénavant le fourrage des bêtes au tas de foin de cette année.

On était à la fin de l'automne, dans la saison des labours. Lorsque, le lendemain matin, on voulut atteler à la charrue la meilleure jument de Kersaliou, c'est à peine si elle pouvait tenir sur ses jambes, et, dans la journée, elle creva. Moins d'une semaine plus tard, ce fut le tour d'une autre jument, une poulinière magnifique qui n'avait pas sa pareille dans le canton. Cette fois, le fils Roparz fit venir le vétérinaire