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serait tout à l'heure, au moment de la séparation de l'âme d'avec le corps.

Le comte, cependant, commençait à balancer la tête de droite et de gauche1, sur le traversin. C'est qu'il entendait venir la mort, sans savoir encore de quelle direction.

Tout à coup il se raidit. La mort l'avait touché.

Il poussa un long soupir, et Ludo vit son âme s'exhaler de ses lèvres sous la forme d'une souris blanche.

L'homme du cimetière avait dit vrai.

La souris ne fit d'ailleurs que paraître et disparaître.

La vieille femme qui avait entonné les « grâces » entreprit le De profundis. Ludo profita, pour s'esquiver, de l'émotion causée par la fin dernière du comte. Et de trotter, par un sentier de traverse, jusqu'au bourg. L'ordre n'était pas encore donné, au Quinquiz, d'aller quérir la croix funéraire, qu'il était déjà sous le porche de l'église. La souris blanche y arrivait presque en même temps que lui. Il la laissa pénétrer la première dans la nef. Elle se mit à trottiner vite et menu, Mais lui, faisait de grandes enjambées, et il put ainsi la suivre, sans trop de peine. Trois fois, il fit derrière elle le tour de l'église. Le troisième tour terminé, elle sortit de nouveau par le porche. Ludo se précipita sur ses traces, tenant embrassée sur sa poitrine la croix funéraire, qu'il avait enlevée au passage. Les sonnailles de la croix tintaient, tintaient, et la souris détalait,

i. En Cornwall, on croit que si l'on secouait le corps au moment où la respiration s'arrête, on le rappellerait à la vie (M. A. Courtney, The Folklore Journal, t. V, p. 218).