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peuvent trouver place qu'à la condition de s'accroupir sur leurs talons, et c'est en cet équipage qu'elles gagnent le large,munies seulement du bâ bédina en guise d'aviron et de gouvernail. Il n'est pas rare que des pêcheurs les rencontrent, mais ils se donnent garde de s'en vanter, sachant bien que la plus légère indiscrétion leur serait fatale.

Et donc, lorsqu'on a quelqu'un dont on souhaite la mort, on s'abouche avec une de ces veuves. En général, ce n'est point à son logis qu'on se rend. On s'arrange pour se trouver sur son passage et on lui dit, de l'air le plus naturel :

— Moereb (tante), j'aurais besoin de vous.

Si elle est disposée à écouter votre requête, elle vous fixe un endroit désert où l'attendre, après le coucher du soleil. C'est le plus souvent derrière l'énorme masse de rochers, dite An Iliz (l'église), à mi-chemin du bourg et du phare.

Là,vous lui livrez le nom de l'homme que vous désirez voir périr. Elle vous demande :

— Combien de temps lui accordes-tu pour se repentir du tort qu'il t'a fait et le réparer ?

On donne un terme quelconque : une semaine, quinze jours, un mois. Plus le délai qu'on indique est rapproché, plus la « voueuse » se fait payer cher.

L'affaire une fois conclue, vous pouvez retourner chez vous, tranquille. Votre ennemi périra au jour marqué.

Pour chaque individu qu'elle voue, il faut que la vieille accomplisse trois voyages, assiste à trois sabbats et remette, chaque fois, aux démons du vent