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franchi, de se retrouver sain et sauf sur une autre rive et de continuer une existence identique dans un nouveau pays.

Ce pays des morts, où les Celtes le plaçaient-ils ? c’est ce que l’on ne saurait guère indiquer avec précision. Eux-mêmes n’avaient sans doute sur ce point que des notions assez flottantes et confuses, et probablement la tradition variait-elle avec le milieu, selon qu’il était continental ou marin, comme cela se constate aujourd’hui encore en Basse-Bretagne, où les gens de l’intérieur n’assignent pas aux âmes des défunts le même séjour que les gens de la côte. Les populations celtiques du littoral de l’Océan étaient tout naturellement portées à localiser ce séjour dans une ou plusieurs des multiples îles dont ils apercevaient la silhouette indécise au large des eaux et qui, tour à tour éclairées par le soleil ou voilées par les brumes, devaient leur apparaître comme des espèces de terres enchantées. Au VI° siècle après Jésus-Christ, du temps de l’historien Procope, c’est l’île de Bretagne qui est réputée, dans la croyance populaire, pour être la patrie des morts. Sur la côte d’en face, nous raconte en substance cet historien, sont disséminés quantité de villages dont les habitants pratiquent de concert le labourage et la pêche. Sujets des Francs pour tout le reste, ils sont cependant dispensés de leur payer tribut, en raison de certain service (c’est leur mot) qui leur