Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/258

Cette page n’a pas encore été corrigée

peu de distance de chez nous, dans une espèce de hutte de paille et d'argile où, à toute heure de jour et de nuit, il y avait des gens qui l'allaient consulter. Mon frère se rendit donc chez elle et la pria, comme il était d'usage quand on recourait à ses services, de venir souper à la maison le soir même. Il rentra plus calme, nous annonça que la vieille viendrait à la tombée du crépuscule, et partit travailler aux champs. Mais mon père, lui, restait tourmenté :

— Si cependant Youen — Youen était le nom de mon frère — si cependant Youen n'avait pas le bon droit pour lui!... ne cessait-il de répéter.

A la fin, ne tenant plus en place, il se résolut à profiterde l'absence de mon frère, pour tâcher d'obtenirque le bourrelier restituât le fusil, de lui-même. Et il alla le trouver au bourg.

— Ecoute, lui dit-il, Youen est décidé de pousser l'affaire. Si tu ne lui fais pas réparation, il chargera saint Yves de Vérité de prononcer la sentence.

— Je me moque de saint Yves, de ton fils et de toimême, répondit l'insolent bourrelier.

— S'il t'arrive malheur, il ne faudra donc t'en prendre qu'à loi, repartitmon père.

Et il s'en revint me conter comment avait été accueillie sa démarche.

— N'en parle pas à ton frère, me dit-il. Il n'y a plus qu'à laisser les choses s'accomplir.

Sur la fin du jour, comme nos gens arrivaient du travail, nous vîmes paraître Anna Rouz. Elle avait revêtu ses effets du dimanche et mis ses chaussures de route qui étaient de gros souliers d'homme. Elle prit