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Une impatience mêlée de peur commençait à gagner chacun. Un des écoliers dit à mi-voix :

— Glaouier ne bouge pas. Si cependant il était mort pour de bon !...

Ce fut le signal d'une débandade. Seuls, les plus résolus demeurèrent.

— Entrons! Il faut savoir!! prononça Jean Coz. Peut-être Glaouier a-t-il imaginé de nous mystifier tous, et non plus seulement Anton L'Hégaret. Il est de force à cela.

Ce fut une irruption dans la chambre.

Mais, dès les premiers pas, les « apprentis-prêtres» restèrent cloués sur place par l'épouvante.

Le visage de Glaouier était jaune comme cire. Ses yeux étaient convulsés et fixes. Le souffle de l'Ankou avait terni son regard. L'âme, pour s'échapper, avait écarté les lèvres. On ne voyait plus entre les dents blanches qu'un trou béant, un creux noir et sinistre.

— Le malheureux ! s'écrièrent d'une commune voix les étudiants, il est mort, il est réellement mort!

— Jean Coz ne vous l'avait-il donc pas dit ? interrogea tranquillement l'idiot 1.

(Conté par Catherine Carvennec. — Port-Blanc.)

1. C'est peut-être en traduisant cette légende que j'ai le plus vivement senti l'impossibilité presque absolue de faire passer dans la phrase française quelque chose de l'horreur tragiqu e que distille à chaque mot le récit breton. Catherine Carvennec a la voix mélodieuse et lente. Elle nous racontait ce qui précède avec une aisance tranquillej comme s'il se fût agi d'un événement très ordinaire.