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l'attelage s'est mis à piétiner sur place, comme impuissant à gravir la côte... Ah ! il en donnait des coups de sabots dans le sol ! Cela sonnait comme des marteaux sur l'enclume... Le bruit a duré cinq à six minutes, puis, subitement, tout s'est lu... Marie la servante et moi, nous nous regardions avec stupeur pendant tout ce vacarme. Nous n'osions bouger, ni l'une ni l'autre. Je ne sais pas comment nous ne sommes pas devenues folles...

— Folles assez, vraiment ! Est-ce qu'on se met dans ces états, pour une charrette qui passe?

— Oh ! ce n'était pas une charrette comme les autres!... D'abord il n'y a que les charrettes d'enterrement qui se risquent dans ce chemin, et il n'y a personne de mort dans le quartier.

— Alors?...

— Hausse les épaules, tant que tu voudras. Je te dis, moi, que Carr ann An/cou est en tournée dans nos parages. Nous ne tarderons pas à savoir quelle est la personne qu'il vient chercher.

Je laissai dire ma femme, et sortis là-dessus pour aller donner un coup d'œil aux étables.

Comme je revenais, je trouvai dans la cuisine un de nos proches voisins. Il avait la mine affligée ; j'allais lui en demander la raison, quand ma femme me dit :

— J'espère que vous ne vous moquerez plus de moi, René. Voilà Jean-Marie qui vient nous annoncer que sa fille aînée a trépassé subitement, et me prier d'aller faire la veillée auprès du cadavre.

Naturellement, je ne trouvai rien à répondre. (Conté par René Alain. — Quimper, 1887.)