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que beaucoup de gens se soûlèrent ce dimanche-là, que pas mal d'autres se soûlèrent encore le lundi, pour mieux fêter le lendemain la mort du « prince »

Dès le mardi matin, ce fut une interminable procession dans la direction de Kéresper. Les plus aisés suivaient la route en chars à bancs ; les mendiants s'acheminaient, par les sentiers de traverse, sur leurs béquilles.

Chacun était déjà attablé devant une assiette pleine ; lorsqu'un invité tardif se présenta. Il avait l'air d'un misérable. Sa souquenille de vieille toile, toute en loques, était collée à sa peau et sentait le pourri.

Laou ar Braz vint au-devant de lui et lui fit faire une place.

L'homme s'assit, mais ne toucha que du bout des dents aux mets qu'on lui servait. Il s'obstinait à garder la tète baissée, et, malgré les efforts de ses voisins pour entrer en conversation avec lui, il ne desserra pas les lèvres, de tout le repas. Personne ne le connaissait. Des « anciens » lui trouvaient la mine de quelqu'un qu'ils avaient connu naguère, mais qui était mort, voici beau temps.

Le repas prit fin. Les femmes sortirent pour jacasser entre elles, les hommes pour allumer une « pipée ». Tout le monde était en joie.

Laou se posta à la porte de la grange où avait eu lieu le festin, afin de recevoir le trugaré, le « merci », de chacun. Force gens bredouillaient et titubaient,

1. C'est le sobriquet du cochon, en Basse-Bretagne.

Laou se frottait