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tranchant tourné en dehors. Aussi l'Ankou ne la ramène-t-il pas à lui, quand il fauche ; contrairement à ce que font les faucheurs de foin et les moissonneurs de blé, il la lance en avant.

» *

Le char de l'Ankou {karrik ou karriguel ann Ankou) est fait à peu près comme les charrettes dans lesquelles on transportait autrefois les morts1.

Il est traîné d'ordinaire par deux chevaux attelés en flèche. Celui de devant est maigre, efflanqué, se tient à peine sur ses jambes. Celui du limon est gras, a le poil luisant, est franc du collier2.

restaurer ; comme, d'autre part, il n'a pas été sans découvrir le fin mot de l'histoire et qu'il ne veut pas encourager des desseins aussi peu évangéliques, ne pouvant atteindre Janik, il a du moins châtié Ervoanik, son complice irresponsable, en le bannissant du porche où il trônait sinistrement, et en le reléguant au deuxième étage de la tour, dans une sorte d'asile pour saints infirmes ou hors d'usage, que l'on appelle àPloumilliau la « chambre au lin ». Naguère, on y déposait, jusqu'à ce qu'ils fussent vendus, les écheveaux de lin peigné que les bonnes âmes apportaient, chaque dimanche, en offrande à la grand'messe. La chambre a, depuis, changé de destination. Du temps que j'étais enfant, on y entassait déjà les statues défraîchies ou démodées. Je m'y suis glissé bien souvent, sur les pas du sonneur de cloches. Je retrouve encore toute vive au fond de ma mémoire l'impression de terreur étrange que me causait ce peuple en bois, avec son immobilité, son silence, et la fixité troublante dé* ses yeux. Ceux qui voudront désormais faire visite à Ervoanik Plouillo devront l'aller chercher en ce lieu d'exil.

1. Cf. Luzel, Revue de Bretagne et de Vendée, t. X, 1861, p. 434.

2. Le carrosse de la mort est connu en Irlande  ; à Kilcurry, on