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Dans l'un et l'autre cas, il tient à la main une faux. Celle-ci diffère des faux ordinaires, en ce qu'elle a le

mécréants. Pour arriver à ses fins, Janik va trouver l'Ankou. Elle lui fait des neuvaines, le supplie, en des oraisons appropriées, de supprimer un homme qui est un scandale pour la paroisse. Puis, elle attend, confiante. Un mois, deux mois, trois mois se passent. M. K. continue à se porter comme un charme. Que fait donc la faux du terrible faucheur ? Serait-elle émoussée  ? Aurait-elle perdu toute vigueur ? Janik s'impatiente ; Janik s inquiète. Il ne se peut pas que l'Ankou n'ait point entendu sa prière. S'il ne l'a déjà exaucée, c'est évidemment qu'il est trop vieux, qu'il a besoin d'être rajeuni. Durant ses longs agenouillements devant la mystérieuse image, Janik n'a pas été sans remarquer qu'elle a piètre mine. La poussière des temps s'est accumulée sur elle. Elle en est toute grise. Il faut lui rendre ses couleurs.

Janik fait atteler le char à bancs, part pour Lannion et en ramène un peintre.

L'après-midi des jours de semaine, les églises des bourgs bretons sont généralement désertes. Tout au plus si quelque vieille femme pieuse et désœuvrée y égrène son chapelet dans un coin. Encore est-elle plongée dans sa dévotion, l'oreille et l'âme fermées à tout ce qui n'est pas sa prière. Le peintre arrive, appuie son échelle au cintre intérieur du porche, rhabille Ervoanik d'un badigeon multicolore, et décampe, sans même avoir été vu. Janik se frotte les mains. Sa vengeance est désormais assurée. Pensez donc I Un Ankou tout neuf!

Vient le dimanche. Il y a foule à la grand'messe. M. le recteur entame son prône. Quel vent de distraction a donc soufflé sur les fidèles ? Sans cesse ils retournent la tète, chuchotent entre eux ; il se passe certainement quelque chose d'insolite, au bas de l'église ; M. le recteur regarde, et n.est pas moins surpris que ses paroissiens de constater que l'Ankou a fait peau neuve.

Conclusion : comme M. le recteur n'aime pas qu'on touche, sans son assentiment, aux statues de son église, fût-ce pour les