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déjeuner, il entendit un des hommes attablés qui disait :

— Vous savez la nouvelle  ? Guilcher le vieux est mort cette nuit sans avoir reçu les sacrements.

—• Cela est faux, s'écria Lomm  ; si Guilcher le vieux est mort, c'est en chrétien ; j'ai moi-même assisté le prêtre qui lui administrait l'Extrême-onction  ; j'ai vu lui donner le bon Dieu.

Et Lomm de raconter son aventure.

— Dame! reprit le laboureur qui avait parlé, j'ai rencontré tout à l'heure un de ceux qui veillaient Guilcher. C'est de lui que je tiens la chose. Ils étaient deux, et s'endormirent si bien l'un et l'autre, qu'ils n'ont pas su à quel moment le trépassé avait rendu l'âme. Celui que j'ai rencontré, c'est Yves Ménèz. Il allait au bourg chercher la croix d'argent, et était même fort inquiet sur la façon dont il serait accueilli par le recteur.

— Eh bien, il faut que j'en aie le cœur net ! murmura Lomm Grenn. Je vais au presbytère de ce pas.

Il se rendit au presbytère.

Quand il eut exposé le cas, le recteur lui dit :

— Tout ce que je puis vous affirmer, c'est que le prêtre que vous avez suivi n'était pas de ce monde. L'étourderie des deux veilleurs aurait pu causer la damnation éternelle de Guilcher le vieux. Mais Dieu a des ressources infinies pour sauver les âmes.

Lomm Grenn s'en retourna à son travail. A 'partir de ce jour, il demeura préoccupé, étrangement sérieux, presque triste. Au printemps il mourut.

(Conté par Fatitic Omnès. — Bégard, 1888.)

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