Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée


— La bouée noire est à flot. Ou bien :

— La moitié des vases est couverte.

Quand il sut que l'eau touchait aux premières pierres du débarcadère, il me dit :

— C'est le moment d'aller chercher le recteur. J'aurais voulu attendre que ma mère fût rentrée,

mais il ne le permit pas. Je ne fus, d'ailleurs, pas longue à faire ma tournée, car je courus tout d'une haleine jusqu'à Troguéry, et, moins d'une demi-heure plus tard,-je ramenais le prêtre. Mon père se confessa, reçut les sacrements et pria le recteur de nous recommander aux bonnes âmes de la paroisse, quand il ne serait plus. Après quoi, il ajouta d'un ton presque gai :

— Vous pouvez avertir Yann Gam de mettre pioche en terre, monsieur le recteur.

Yann Gam, c'était le fossoyeur du bourg. Quand ma mère arriva du lavoir avec la marmaille, mon père lui dit :

— Voilà,Marivonne : le recteur sort d'ici ; tous mes comptes sont en règle.

Et, s'adressant à moi :

— La mer doit être étale, Bétrys?

— Oui, répondis-je, elle est bien haute.

On l'entendait, en effet, clapoter doucement, presque à toucher la berge. Alors, mon père dit à ma mère :

— Tu peux prévenir les voisines : c'est l'heure de commencer les prières des agonisants.

Il fut admirable de résignation et de piété, le pauvre