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XVI

La vie qui va et vient avec la mer

Mon père était gabarrier. Tous les jours, il descendait la rivière de Jaudy jusqu'à la mer, pour aller chercher du goémon ou du sable. C'était un dur métier, quoiqu'il ne rapportât guère. Un soir, la gabarre s'échoua dans les vases. Mon père, malgré la température — on était en décembre — se mit à l'eau pour essayer de la dégager, et, en rentrant à la maison, se coucha, malade d'une fièvre qui ne le quitta plus. De semaine en semaine, il alla s'affaiblissant.

— Je suis fichu, nous dit-il, un matin. Je n'ai plus quatre jours à vivre.

Notez que c'était, avant ce malheur, un homme robuste, dans toute la force de l'âge. Et cela le désespérait de mourir si jeune, surtout qu'il savait dans quelle misère nous allions rester.

Il y avait pourtant des moments où nous reprenions confiance, parce que lui-même semblait reprendre vie et couleur. Ma mère lui disait :

— Avoue que tu vas mieux, Tuai ? Alors, il riait d'un rire triste.

— C'est qu'il est flot à cette heure, Marivonne, répondait-il en hochant la tête, mais tu verras après, quand il sera jusant.