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leur lait, qu'elle n'était d'ailleurs que la parente éloignée du mort et qu'elle s'était suffisamment acquittée envers lui en le veillant toute une nuitée.

La pauvre fille dut se résigner. Elle s'attela à la petite voiture et se dirigea vers Quimper. Elle rencontra l'enterrement — le vrai, cette fois — au même tournant du chemin où elle avait déjà croisé l'autre 1.

Craignant qu'on ne lui fît reproche pour n'être pas venue se mêler au cortège, elle se jeta dans un champ dont la barrière était ouverte. Elle attendit là, en regardant à travers les ajoncs du talus, que le convoi se fût éloigné. Elle s'apprêtait à quitter sa cachette, quand elle fut clouée sur place par la stupeur. Voici que, par la route, s'avançait, d'un pas hésitant, ua vieux à la figure jaune comme cire, et c'était son oncle, son oncle l'aveugle, qui suivait à distance son propre enterrement.

Pour le coup, Marie Creac'hcadic s'évanouit d'épouvante. Des gens qui passaient par le champ la trouvèrent une heure plus tard, qui gisait dans le fossé. Ils la rapportèrent à Kervézenn, à demi-morte 2.

(Conté par Marie Manehec, couturière. — Quimper.)

1. Dans le sud du pays de Galles, on a pu remarquer qu'un enterrement réel est passé peu de temps après par le chemin où l'on avait vu le convoi fantastique (L. Chaworth-Musters, Superstitions du sud du Pays de Galles, Revue des traditions popu* laires, t. VI, p. 484).

2. Cf. M. Blacque, Enterrement vu à l'avance (Revue des traditions populaires, t. VI, p. 398)  ; P.-Y. Sébillot, Contes et légendes du pays de Gouarec, Reiue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou, t. XVIII, p. 60.

XIV

L'Intersigne de « l'alliance »