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passer Barr-ann-Heol, et vous savez que c'est un mauvais endroit. Il est de tradition dans le pays qu'une « groae'h » y guette, à l'angle des deux routes1, les gens attardés. Nombreux sont ceux qui, par elle, ont été traités de vilaine façon. Un peu avant de parvenir à cet endroit, Jozon Briand eut soin de tirer ses sabots et de marcher nu-pieds, afin de n'éveiller point l'attention de la « vieille ». :!

Déjà il avait laissé à quelques pas derrière lui la borne de pierre blanche sur laquelle était d'ordinaire assise la fée malfaisante de Barr-ann-Hëol, quand il croisa quatre hommes portant un cercueil

— Que veut dire cet enterrement de nuit ? pensa Jozon.

Il eut d'abord l'idée d'arrêter les porteurs et de les interroger, mais réflexion faite, il préféra se ranger dans la douve, sans leur adresser la parole.

Au bourg, il trouva la « buraliste » encore sur pied, acheta sa provision de tabac, et s'en revint chez lui. Au retour comme à l'aller, il put passer Barr-ann-Heol sans encombre. La « groae'h » était sans doute occupée ailleurs. En arrivant à l'avenue d'ormes qui

{. Les carrefours sont réputés pour particulièrement dangereux. En Cornwall on évite les carrefours après la tombée de la nuit (M. A. Courtney, The Folklore Journal, t. V,p. 218).

2. Un Irlandais rencontre une nuit trois hommes qui portaient un cercueil et le prient de les aider. Il y consent. Il reconnaît ces trois hommes qui sont des cousins à lui, morts depuis longtemps. Quelques jours après, il apprend que son frère était mort en Californie, la nuit même de cette funèbre rencontre (Deeney, Peasant lore from Gaelie Irelnnd, p. 9-10),

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