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re station ». Sa conviction était qu'elle allait le trouver mort : en sorte qu'elle fut toute soulagée de constater qu'il n'était même pas beaucoup plus soûl qu'à l'ordinaire. Moitié le tirant, moitié le soutenant, elle l'emmena. Lorsqu'ils arrivèrent au trou d'eau, il n'y avait plus là ni lavandière, ni linceul. Josik pensa :

— C'était quelque voisine, je parie. Ça l'a ennuyée d'être vue lavant un dimanche, à une heure où elle espérait bien qu'il ne surviendrait personne : alors, par crainte que je ne la reconnaisse, elle m'a dit des choses d'épouvante, pour me faire sauver ;

Elle n'en parla donc pas à son père, ni non plus à sa mère qui était couchée quand ils furent de retour ; Et elle se mit au lit, l'esprit tranquille, tandis que l'ivrogne s'installait, comme à son habitude, au coin de l'âtre pour manger la soupe qu'on avait la précaution de lui tenir chaude dans les cendres... Que se passa-t-il ensuite ? Dieu le sait ; Toujours est-il que Perrina, s'étant réveillée dans la nuit, s'aperçut que son mari n'était pas encore venu la rejoindre. Elle le héla un peu durement, persuadée qu'il était resté endormi sur l'escabeau du foyer. Comme il ne répondait pas, elle se leva pour le secouer. A la lumière de la chandelle de résine, qu'il avait laissée brûler, elle vit qu'il avait entre les genoux son écuellée à moitié pleine. Et il dormait, en effet, mais du sommeil de ceux qui n'ont plus jamais ni faim, ni soif, du dernier sommeil. Doué da bardâno d'an anaonl (Dieu pardonne aux défunts).

(Conté par Jean-Pierre Dupont. — Quimper.)

XII