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yeux grands ouverts, et toute frissonnante. Ce que je vis alors me glaça d'une telle horreur que d'y ? songer encore, après cinquante ans, je me sens pâlir!: La lucarne —celte lucarne qui était au-dessus de ma tête, dans le mur — semblait ébranlée par des chocs effrayanls. Brusquement, elle céda et une poussée d'eau s'engouffra par le trou béant. Il en venait, il en venait. En un clin d'œil, je me sentis submergée, et cela montait, montait sans fin, en couches profondes ; vertes, transparentes. Je me faisais l'effet d'être assise au fond de la mer. Le mur, le plancher, le bois même de mon lit-clos, tout avait disparu. De quelque côté que je tournasse mes regards, je n'apercevais que de l'eau, de l'eau encore, toujours de l'eau!... J'avais conscience d'être là comme une noyée qui fût demeurée vivante. Et vous ne sauriez vous figurer combien c'était affreux.

Mais le plus terrible, le voici.

Comme je regardais avec stupeur cotte eau s'amonceler, le cadavre d'un homme à demi-nu passa près-. que à toucher mon visage, étendu de son long et flottant, inerte,ballotté par les vagues. Il avait les bras eu croix et les jambes écartées. Les lambeaux d'un caleçon de molleton rouge étaient retenus par un bout de corde autour de ses reins.!,.. Je me rejetai violemment . en arrière. Mes draps faisaient un grand bruit d'eaux clapotantes : je crus qu'elles allaient m'emporter avec le cadavre qu'elles entraînaient et je poussai un cri déchirant, pour appeler au secours.

Mon père, que je ne savais pas rentré, ne fit qu'un bond jusqu'à mon Ht.. ; ije ;ine-souviens qu'il avait