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capable de converser, en n’importe quelle langue, avec n’importe qui.

Un matin, il dit au « grand charretier » :

— Tu mettras le joug à la plus jeune paire de bœufs, afin que je les aille vendre à la foire de Pleyben.

II était comme cela. Qu’il s’agît de vendre ou d’acheter, il ne se décidait jamais qu’au dernier moment, et cela lui réussissait toujours. On prétendait qu’il avait un esprit familier qui lui soufflait à l’oreille, à l’instant précis, ce qu’il devait faire. Aussi ne faisait-il que d’excellents marchés.

Donc, le grand charretier imposa le joug aux deux bœufs les plus jeunes et sella un cheval pour le maître.

Celui-ci se mit en route, après avoir distribué sa tâche à chacun dans la ferme.

Sa femme qui était venue au seuil pour le regarder partir dit à ma mère :

— Aussi vrai que je vous l’affirme, Tina, dos deux jeunes bœufs que voilà, mon homme me rapportera cent écus.

Ma mère s’en fut conduire aux champs les vaches dont elle avait la garde. A la « brume de nuit » elle les ramena. Le sentier qu’elle devait suivre faisait croix avec la grand’route. Comme elle arrivait au carrefour, elle rencontra le maître qui s’en retournait de la foire. Elle ne fut pas peu surprise de voir qu’il revenait avec la paire de bœufs dont il s’était promis de se débarrasser. Vous savez qu’en Basse-Bretagne on ne se gêne pas pour causer librement même avec les maîtres :