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AU PAYS DES PARDONS

sait distinguer entre les trois cents espèces de furoncles, et en quelle fontaine sacrée il y a remède pour chacune… Ceux-là sont mes deux fils, l’un souffle dans le biniou, l’autre dans la bombarde ils ont l’haleine puissante et le doigté sûr. Quant à ces deux jouvencelles, mes filles… »

Mais Yves a interrompu le jongleur. Il a vu qu’elles sont jolies, les jouvencelles, plus jolies peut-être qu’il ne sied à leur pauvreté, et il a vu aussi qu’une rougeur subite vient d’empourprer leurs joues pâles.

« — En vérité, homme, épargne-nous pour ce soir ces récits. Tes enfants, ta temme sont exténués toi-même, tu dois être bien las. Que la paix de Dieu soit avec vous dans votre repos ! Sachez seulement que cette maison est vôtre tant qu’il vous plaira d’y demeurer… »

On sait qu’il leur plut d’y demeurer longtemps ; onze ans après, c’est-à-dire en 1303 — époque de la mort du saint — ils y étaient encore ![1]

  1. Cet épisode de l’histoire de saint Yves a fourni à M. Tiercelin la matière de son beau poëme : Les Jongleurs de Kermartin (Caillière éditeur, Rennes).