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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES


« — As-tu jamais entendu dire qu’on ait refusé un pauvre a Kervarzin la veille du pardon de saint Yves béni ? » prononça-t-il avec une gravité souriante, sans ôter sa pipe de la bouche et en serrant la main que Baptiste lui tendait. « Il n’y a pas que les pauvres à être les bienvenus chez moi », poursuivit-il, quand je lui offris la main à mon tour et que mon introducteur m’eût nommé ; « votre père a pu vous dire que chez le Yaouank-coz[1] il y a toujours pour les amis une soupe aux crêpes chaude et un franc verre de cidre. » Il avait les manières d’un gentilhomme, ce paysan. Je dus accepter son fauteuil de chêne, à l’angle du foyer. Qu’il y faisait bon, devant la claire flamme qui montait, montait, illuminant toute la cuisine, balayant d’un rouge reflet les battants cirés des armoires, transfigurant la face des gueux, éveillant comme une joie d’être sur leurs traits flétris et dans leurs yeux morts Au crochet de la crémaillère une marmite énorme

  1. C’est ainsi qu’on avait coutume de l’appeler par un jeu de mots auquel son nom prêtait Yaouank en breton veut dire jeune. Yaouank-coz équivaut à « le jeune-vieux. »