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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

le sol. On les prendrait, à leur immobilité, pour des statues. D’autres sont debout, la tête rejetée en arrière ; et dans le blanc de leurs yeux convulsés se réfléchit par instants la lueur des astres. D’autres encore montrent d’un beau geste toute une smala endormie autour d’eux, des chérubins crépus couchés à même dans l’herbe du fossé et sur qui veille une chandelle de suif avec une fougère pour support. Et les lamentations éclatent, voix rauques de vieillards, glapissements aigus de femmes… En hanô sant Erwan !… En hanô sant Erwan !…[1] L’aumône versée, la plainte s’apaise, et le silence redevient profond. Durant tout le trajet, les pèlerins n’échangent pas une parole. C’est le pardon mut, le « pardon taciturne », une des formes les plus usitées de la dévotion bretonne.

Une population qui entend de la sorte la piété n’est guère faite — on en conviendra — pour goûter les manifestations pompeuses, toujours un peu mêlées et discordantes.

« — Ma Doué ! murmurait auprès de moi une

  1. Au nom de saint Yves ! Au nom de saint Yves !…