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AU PAYS DES PARDONS

garde : ce n’étaient déjà plus les mêmes qui vous furent si hospitaliers ; ils ne se rappelaient pas vous avoir connue. Sans doute, la barque lumineuse vous sera venue prendre, vous aussi, par quelque soir de pluie glacée. Et vous êtes partie pour la rive idéale, paisiblement, certaine que là-haut une sainte Anne pareille à celle de vos rêves, vous faisait signe et vous attendait.

Elle n’exagérait point, l’humble zélatrice de la Palude, en affirmant que ce pardon est de toutes les solennités bretonnes la plus imposante et la plus belle.

C’était un samedi de la fin d’août, un peu avant le coucher du soleil. Du sommet de la montée de Tréfentec, le paysage sacré nous apparut dans un éclat de lumière rousse. Quel contraste avec la terre de désolation que j’avais entrevue naguère, si pâle, si effacée, enveloppée d’une bruine où elle s’estompait confusément, sorte de contrée-fantôme, image spectrale d’un monde mort ! Tout, à cette heure, y respirait la vie : une fièvre de bruit et d’agitation semblait s’être emparée du désert. Les