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SAINTE-ANNE DE LA PALUDE

pilier. C’était une de ces vieilles pauvresses dont le type tend à disparaître et qu’on ne rencontre plus guère qu’aux abords des sources sacrées. Elle priait devant une image que je n’avais point aperçue. Sur le socle se lisait cette inscription : Sainte Anne, 1543. De bizarres ex-voto pendaient, accroches à la muraille des béquilles, des épaulettes de laine, des linges maculés, des jambes en cire.

Je fus frappé de l’extraordinaire ressemblance de la suppliante avec la sainte, l’une en pierre, l’autre pétrifiée à demi. Elles avaient mêmes traits, même attitude et, dans l’expression, le même navrement, ce masque de douloureuse résignation si particulier aux visages de vieilles femmes en ce pays. Leurs accoutrements aussi étaient pareils, cape grise et jupe rousse, tablier à large devantière venant s’épingler sous les aisselles. Ce me fut une occasion de constater que le costume local a peu varié depuis le seizième siècle. En outre, je saisissais là sur le vif un des procédés — le plus original peut-être — de l’art breton. C’est dans leur entourage immédiat, parmi les gens du peuple, dont ils faisaient partie et au milieu desquels ils