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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

pas à ressusciter. La Vierge, sa marraine, ferait pour elle ce miracle. Il se mit à pérégriner, en attendant, — heureux au fond de reprendre sa vie errante, de ne traîner plus le boulet des besognes sédentaires et de rouvrir dans l’espace ses ailes de moineau franc. À courir les routes, sa douleur s’usa. La poésie acheva de le consoler. Sa réputation de rimeur s’était déjà étendue au loin. Les gens le venaient trouver pour lui commander des vers ; il en taisait avec une égale habileté sur n’importe quel sujet de mélancoliques, pour les amoureux dédaignés, — de satiriques, contre les patrons avaricieux ou les filles coquettes. Plus volontiers il chantait les grands saints de Bretagne, célébrait les dévotions locales et disait les vertus régénératrices des sources. Il n’y eut plus de pardon sans lui. Yann Ar Guenn[1], le barde aveugle de Kersuliet, alors retiré sous la tente, apprit avec joie qu’un successeur lui était né et manifesta le désir de l’entendre. Yann Ar Minouz s’empressa de se rendre à l’appel de celui qu’il nommait son

  1. Cf. sur ce poète populaire, Introduction des Soniou Breiz-Izel, p. XXIV.