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le disais plus haut, par transformer d’abord l’âme des professeurs, puis celle des parents, et enfin, celle des élèves.

Celle des professeurs surtout. Éduqués suivant des méthodes mnémoniques, pourraient-ils en enseigner d’autres ? Toutes les tentatives accomplies dans ce sens ont misérablement échoué. La mentalité des professeurs, créée par l’enseignement classique, est fixée pour toujours. Formés par les livres, guidés par les livres, ils mourront dans les livres. Le monde réel leur restera toujours fermé.

Pourquoi devrait-on, après avoir changé la mentalité des professeurs, modifier aussi celle des parents puis des él§ves ? Simplement parce que les uns et les autres ne demandent à l’Université qu’une chose : mettre promptement les jeunes gens en mesure de passer des examens. Or, pour y réussir, le procédé le plus rapide consiste évidemment à apprendre par cœur une série de manuels. Ces derniers dotent de connaissances très éphémères, mais suffisantes pour l’examen. Les rares professeurs partisans de la méthode expérimentale, seule capable de former l’esprit, mais inutile pour l’examen, seraient vite éliminés par les grands chefs de l’Université. Ceux qui l’ont tenté furent toujours très mal vus. On leur répète que le temps consacré par l’élève à observer serait beaucoup plus utilement employé à apprendre par cœur des livres, de façon à pouvoir les réciter imperturbablement le jour de l’examen. Les parents émettent d’ailleurs un avis absolument identique.

Le but de l’Université n’est pas du tout d’ailleurs de former des hommes, mais de leur apprendre un beau langage. Elle en paraît très fière. Parlant dans son discours de réception à l’Académie de "la formation universitaire", monsieur Doumic donne les explications suivantes :

Nous savons très bien en quoi elle consiste et à quoi elle aboutit : elle façonne, par la discipline de l’antiquité, des lettrés qui, rendus sensibles au mérite de composition et à la valeur d’art des œuvres classiques, en deviennent pour leur compte capables d’ordonner leurs idées avec méthode et de les traduire dans un langage irréprochable. On a beaucoup médit de cette sorte de culture, certes ! et on continuera. Seulement on n’arrive pas à en inventer une autre.

On y arrive pas en France, en effet, et c’est ce qui constitue précisément l’incurable faiblesse de notre Uni-