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Cette révolution économique profonde, qui fera peut-être passer le sceptre de la production aux races de l’Amérique et de l’Asie et pourra ruiner l’Europe, n’est maintenant qu’à son aurore. L’heure paraît cependant prochaine où l’Europe verra se réduire immensément ses exportations.

En ce qui concerne les produits venus de l’Amérique, ce phénomène est en voie d’accomplissement, mais les ouvriers américains étant des Européens possédant des besoins d’Européens, leurs productions ne descendront jamais à très bas prix. Ils ne peuvent donc être bien redoutables pour le vieux continent. Si ce dernier cesse de rien importer en Amérique, par contre, il n’a pas à craindre l’invasion des produits expédiés par elle.

Tout autre est la question du Japon, la Chine et l’Inde. Comme l’Amérique, ces contrées refuseront nos produits inutiles, mais nous encombreront en outre des leurs, ou, tout au moins, nous créeront une désastreuse concurrence sur les marchés étrangers. Déjà nos stocks s’accumulent. Nos industries, n’ayant plus que la clientèle européenne, s’entreruinent l’une l’autre. Elles devront un jour avilir leurs prix et, par conséquent, réduire le salaire de leurs ouvriers.

Il ne faut pas croire qu’en s’isolant du reste du monde par une barrière infranchissable de tarifs douaniers, l’Europe pourra se soustraire indéfiniment à la concurrence de l’Orient. Peut-être y parviendrait-elle en arrivant à assurer sa propre subsistance, mais depuis longtemps sa population a pris une extension qui ne le lui permet plus.

Les économistes ont calculé en effet que la plupart des États d’Europe cessent graduellement de produire la nourriture nécessaire à leurs habitants. L’isolement réduirait donc l’Europe à la famine. Naturellement, pour éviter la fâcheuse perspective de mourir de faim, on abaissera les barrières douanières, mais avec quoi payer les produits destinés à l’alimentation quand toute exportation sera impossible ? Que deviendra la vieille Europe ployée sous ses milliards de dettes et de lourds impôts ? Elle tombera peut-être alors dans la décadence, sort final de toutes les civilisations usées, et sa population, après des luttes sanglantes qui achèveront de l’épuiser, devra se réduire au chiffre qu’il lui sera possible de faire subsister. Ce jour là les économistes les plus endurcis commenceront peut-être