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lui fournissaient jadis. Les "filés de coton", envoyés autrefois en Chine de Manchester, partent aujourd’hui de Bombay. Les produits fabriqués par des Hindous et des Chinois qui se contentent d’un salaire journalier très faible, valent ceux de l’ouvrier européen, et la concurrence des Asiatiques est telle que l’Amérique et l’Australie en sont réduites à les expulser.

Déjà plusieurs grèves, celle des boutonniers de Méru, notamment, sont nées de la concurrence que nous font les Japonais sur les marchés étrangers.

Lorsque le Japon, l’Inde et la Chine auront fini par installer chez eux, grâce à la houille qu’ils possèdent, de nombreuses usines et inonderont le monde de leurs produits fabriqués à vil prix, quelle barrière arrêtera leur extension commerciale ? L’ouvrier européen verra alors tomber son salaire au niveau de celui d’un Hindou, d’un Chinois ou d’un Japonais. Le gain de l’Oriental fixera celui de l’ouvrier européen. "Le régulateur du monde économique tendra toujours, a-t-on dit avec raison, à être, quoi qu’on fasse, le marché où le travail sera au plus bas prix."

Malgré le rêve socialiste, le salaire des Européens, loin de s’accroître, s’abaissera alors dans de notables proportions.

Lorsque j’examinai ces hypothèses, il y a plus de 25 ans, les journaux anglais de l’Inde, tout en reconnaissant la justesse de mes prévisions, me répondirent que les ouvriers orientaux finiraient par avoir nos besoins et deviendraient, par conséquent, aussi exigeants que les confrères occidentaux. Dès lors l’équilibre serait établi. Ils oubliaient comme on le fait toujours, que le caractère psychologique de la plupart de ces races est trop stable pour se transformer. L’expérience le prouve, d’ailleurs, surabondamment. Les Chinois affluent en Amérique depuis longtemps. L’image du luxe ambiant a-t-elle jamais modifié le genre de vie de l’un d’eux ? La tasse de thé et la poignée de riz quotidienne ont-elles jamais été remplacées par le régime européen ? Notre civilisation se trouve trop peu en rapport avec la constitution mentale de ces peuples pour exercer la moindre influence sur eux. Quiconque a fait travailler un ouvrier hindou sait, qu’aussitôt gagnés les 5 ou 6 sous nécessaires à sa subsistance journalière, l’appât des sommes les plus tentantes reste sans action sur lui.