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rhéteurs les vains discours sur le pacifisme, la fraternité et autres futilités qui font songer aux discussions théologiques des Byzantins alors que Mahomet pénétrait dans leurs murs.

Des questions autrement vitales nous sollicitent. Pour éviter, ou tout au moins reculer la lutte, il faut être prêt à la supporter. Si elle devient inévitable, rappelons-nous que la victoire ne sera pas du côté des armées les plus nombreuses, mais de celui où se coaliseront les plus résistantes énergies.

La guerre est question de psychologie tout autant que de stratégie. Aucun grand capitaine ne l’a ignoré.

"À la guerre, dit Napoléon, tout est moral, et le moral et l’opinion font plus de la moitié de la réalité."

Peu importent les pertes. Le succès reste à qui sait le mieux les supporter. Abaissez le caractère des soldats et vous aurez les cohues de Xerxès. Élevez ce caractère, et vous aurez les guerriers d’Alexandre.

S’il est démontré que la valeur des armées se mesure au niveau de leur caractère beaucoup plus qu’à leur nombre, on voit que la guerre constitue bien, comme je le disais à l’instant, un problème psychologique. Ainsi rentre-t-elle essentiellement dans le cadre de ce livre.

Un raisonnement très simple fera aisément saisir l’importance du rôle joué, dans les batailles par les facteurs psychologiques.

Tous les écrivains militaires s’accordent à reconnaître que la quantité d’hommes dont une armée peut supporter la perte sans renoncer à la lutte est limitée. Des expériences séculaires le prouvent : dès qu’une armée laisse sur le champ de bataille 20% de son effectif, elle se considère comme vaincue. Ce chiffre de 20% constitue ce qu’on pourrait appeler la limite démoralisatrice. La déroute n’est bien évidemment que le résultat d’une impression purement psychologique et nullement une nécessité inéluctable, puisque l’armée, ainsi décimée, possède encore les quatre cinquièmes, soit la plus grande partie de son effectif. Supposons maintenant qu’une puissance magique influence le moral de l’armée vaincue au point de la déterminer à une lutte indéfinie, ce qui, précisément, fut le cas des Japonais. Par ce fait seul que nous aurons modifié son état mental, et sans transformer ni son armement ni sa tactique, la défaite va se changer en succès. La lutte con-