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Il en est résulté, c’était fatal, une misère aussi générale que profonde. Elle serait bien autrement intense encore si, suivant la vieille loi de Malthus, d’inévitables famines ne venaient décimer d’une façon périodique cette effrayante fourmilière. Or, ces famines, malgré les télégraphes et les chemins de fer, sont des désastres laissant loin derrière eux les plus sanglantes batailles. La seule province d’Orissa, en 1866, a vu périr de faim un million d’hommes. 1.200.000 sont morts en 1868 dans le Punjab. En 1874, 1.300.000 Hindous furent enlevés par la famine dans le Dekkan. Que sont nos guerres comparées à de pareilles hécatombes ? Et la mort par la faim est-elle vraiment si supérieure à la mort par le canon, qu’il faille éviter à tout prix l’une pour se résigner à l’autre ?


Les dissertations sur les avantages ou les inconvénients de la guerre ne présentent au surplus qu’un intérêt purement théorique. Nous n’avons pas à la choisir, mais bien à la subir, et par cela même mieux vaut en considérer seulement les côtés avantageux et surtout nous y tenir prêts.

Le meilleur moyen de préparation aux luttes possibles est de développer cet ensemble de sentiments qui forme ce que l’on appelle l’esprit militaire. Il constitue la véritable puissance d’une armée. Sans lui, et quel que soit son armement, un peuple n’est plus qu’un inconsistant troupeau sans résistance. Considérons donc comme les pires ennemis de la patrie, comme de dangereux malfaiteurs, les écrivains et les orateurs qui s’efforcent de détruire cet esprit dans les âmes. Le jour où il serait annihilé, rien ne nous resterait à perdre. La plus destructive des invasions mettrait fin à notre histoire.

Répétons-le sans cesse, et ayons toujours présentes à la pensée les sombres prévisions des écrivains militaires des divers pays sur les conséquences de la prochaine guerre qui menace l’Europe. N’oublions pas qu’elle sera une de ces luttes finales comme l’histoire en a déjà enregistré plusieurs et qui amènent la disparition définitive et totale de l’une des nations aux prises. Mêlées formidables ignorant la pitié et dans lesquelles des contrées entières seront méthodiquement ravagées jusqu’à ce qu’elles ne renferment ni une maison, ni un arbre, ni un homme.

Ayons ces notions bien vivantes dans l’âme quand nous élevons nos enfants et nos soldats, et abandonnons aux