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ciales, cette antipathie. Après avoir réduit les distances par la vapeur et l’électricité, les nations en arrivent maintenant à exagérer leurs armements et à s’entourer d’interdictions douanières qui coupent les relations et finissent par élever autour de chaque pays une véritable muraille de Chine. Cette muraille, la plupart des peuples, d’ailleurs, ne la trouvent pas encore assez isolante, et le mot d’ordre général aujourd’hui chez beaucoup de nations civilisées (que leur gouvernement soit autocratique ou libéral), est l’expulsion des étrangers. L’Amérique, après avoir, de même qu’en Australie, voté celle des Chinois, interdit maintenant l’accès de son territoire aux bateaux chargés d’émigrants pauvres. Les Trades-Unions anglaises réclament bruyamment le renvoi des ouvriers étrangers. Le gouvernement russe, obéissant à des vœux populaires, plus puissants souvent que la volonté des despotes, est obligé d’expulser les Juifs des grandes villes. Leur expulsion est réclamée également en Allemagne par un parti dont les adhérents deviennent très nombreux. Le gouvernement prussien expulse les Polonais et les Italiens qui travaillaient à ses chemins de fer. Le gouvernement suisse lui-même, après avoir rejeté en 1892 le projet de refuser du travail aux ouvriers étrangers, exige maintenant dans ses traités avec les entrepreneurs pour fournitures militaires, l’emploi exclusif d’ouvriers locaux. Les mêmes tendances s’observent du reste partout, en France également.

Que le vingtième siècle soit l’âge de la fraternité universelle, constitue une proposition fort douteuse. La fraternité entre races différentes n’est possible que lorsqu’elles s’ignorent. Rapprocher les peuples en supprimant les distances, c’est les condamner à se mieux connaître, et comme conséquence à se moins supporter.

Nous ne sommes d’ailleurs qu’à l’aurore du mouvement général de toutes les nations contre l’envahissement étranger. Des gouvernements édifiés sur les principes les plus opposés, depuis l’autocratisme absolu jusqu’aux républiques les plus libérales, en arrivant aux mêmes mesures, il faut bien admettre qu’elles répondent à quelques nécessités impérieuses. Les haines de races ne suffiraient pas seules à les expliquer.

L’instinct qui pousse aujourd’hui tous les gouvernements dans la même voie est assez inconscient encore, mais il a des bases psychologiques très sûres. L’influence prépondé-