Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.

derne du droit divin. Il a hérité à la fois de l’autorité des dieux et de celle des rois. Sa force tient justement à ce qu’il synthétise cet héritage. Louis XIV est mort depuis longtemps, mais l’État a conservé soigneusement ses méthodes et ses principes. Un spirite interrogeant là-dessus l’ombre du grand roi s’entendrait sûrement répondre que sa tradition a été très fidèlement suivie par tous ses successeurs, mais qu’ils ont fini par exagérer un peu sa centralisation et son autocratie. L’illustre fantôme donnerait peut-être comme une des preuves de cette similitude l’expulsion des congrégations, identique à celle des protestants et dérivant des mêmes principes. Il n’aurait pas besoin d’une dialectique bien serrée pour démontrer qu’en substituant à la Monarchie une et absolue, la République une et indivisible, les Jacobins dotèrent cette dernière de la toute-puissance de la première. Les Girondins payèrent de leur tête la prétention de rendre l’État moins centralisateur et moins despotique.

Un point cependant provoquerait peut-être les critiques du grand roi. Il considérerait sans doute comme fort difficile de gouverner avec l’obligation d’obéir aux capricieuses oscillations de la multitude, et remarquerait aussi que les foules sont l’objet d’adulations plus serviles que celles qui l’entourèrent au faite de sa puissance. Probablement observerait-il encore que les monarques poursuivaient souvent l’intérêt général tandis que bien des représentants de l’État actuel paraissent peu s’en soucier, et n’hésitent pas à voter des lois dangereuses si elles peuvent assurer leur réélection. On lui répondrait alors, en l’invitant à rejoindre sous terre les fantômes de ses aïeux, qu’il ne comprend rien au progrès.

Les considérations précédentes sont assez évidentes, je pense, pour se passer de démonstration. La prétention de l’État à l’omnipotence ne paraît guère contestable. Elle arrive même à choquer les plus officiels de ses défenseurs. Un préfet, monsieur d’Auriac, déjà cité, remarquait dans une récente étude que, suivant les méthodes de la Monarchie, continuées, d’ailleurs, scrupuleusement par la Convention et tous les gouvernements successifs, les habitants des provinces "sont traités comme un pays conquis, comme une colonie lointaine, comme des hommes appartenant à une autre race que leurs gouvernants."

Ils reçoivent leurs autorités de la capitale et sont