et le public a fini par comprendre de quelles vexations, de quelles ruines on le menaçait uniquement pour obéir au fanatisme bruyant d’une petite minorité socialiste, exaspérée par la prospérité de quelques grands industriels.
Et pourquoi le parti avancé tenait-il tant à cet impôt sur le revenu ? Est-ce vraiment l’amour du pays, un vif désir d’équité, un altruisme débordant qui l’inspirait ? Hélas ! de tels sentiments se professent mais ne se ressentent guère. Un fin psychologue, E. Faguet, a fort bien mis en évidence les vraies raisons.
Il est à croire que c’est précisément parce qu’il n’y a, en impôt sur le revenu, que la taxation arbitraire qui soit pratique, que certain parti tient tellement à l’impôt sur le revenu. L’Impôt sur le revenu sera un moyen de frapper qui déplaît et d’épargner qui plaît. C’est justement ce qui en fait le mérite aux yeux d’un certain parti. Cela pourra avoir d’admirables conséquences électorales. Ici encore, ce qui est le défaut de la mesure en est le principe pour ceux qui la proposent.
Aucun argument n’a pu impressionner les députés sur lesquels le fantôme de la peur dardait de menaçants regards. Ils ont voté sachant parfaitement, comme l’écrivait Jules Roche, "que ce qu’on leur a présenté comme une réforme démocratique n’est autre chose que le projet le plus rétrograde, l’inquisition la plus odieuse, la plus dangereuse, mettant la fortune des citoyens à la merci de l’arbitraire d’une armée de petits fonctionnaires, agents du parti politique au pouvoir. C’est une loi de ruine et de guerre civile."
Monsieur Raymond Poincaré dit à peu près la même chose :
Le projet actuel constitue un effroyable danger pour nos finances publiques… Il amènera la perte des recettes et l’oppression des contribuables moyens. Il découragera les énergies et défavorisera nos exportations. C’est un péril pour la fortune nationale et pour la République....
Rien n’est plus certain, mais que pouvaient les parlementaires terrorisés par la menace immédiate des fantômes, alors que la ruine et les soulèvements annoncés apparaissaient fort lointains. Qu’auraient pensé d’ailleurs, en cas de rejet, les instituteurs, les marchands de vin et les comités socialistes ? Je ne parle pas des syndicats ouvriers car ils ont affirmé sur tous les tons se désintéresser en-