à l’origine, et pouvant être facilement détournés, deviennent irrésistibles plus tard, quand leur force s’est suffisamment accrue. Alors, les grandes digues sociales sont renversées, et l’évolution d’un peuple se transforme en une révolution.
Dans toutes les transformations lentement créées par le temps, le rôle de la raison, nous l’avons dit déjà, fut toujours très faible. Les vrais maîtres de l’histoire, les fondateurs de grandes religions et de grands empires l’ont d’ailleurs tous pressenti. Jamais ils n’essayèrent d’agir sur la raison des hommes, mais bien d’influencer leurs sentiments et de conquérir leur cœur.
Mais cette phase héroïque du monde semble en voie de s’évanouir. Avec l’évolution de la science et de l’industrie où l’humanité est entrée, les codes des nécessités économiques remplacent les codes religieux devenus impuissants.
Il importe de ne pas ressusciter, sous forme d’une théologie socialiste la doctrine antique nous montrant les peuples gouvernés par de divins caprices. La grande utopie des réformateurs est précisément d’attribuer à des lois le pouvoir magique maintenant refusé aux Dieux. Leur rêve de rénovation sociale ne tient aucun compte des nécessités naturelles. Mais, si les vieilles divinités excusaient parfois nos faiblesses et se montraient accessibles à la pitié, les lois naturelles restent inflexibles et ne pardonnent jamais. Vouloir leur opposer d’artificiels décrets est toujours une dangereuse entreprise. Il ne serait pas plus vain d’essayer d’arrêter une locomotive avec des discours.
Voilà, pourtant, la tâche que nous nous obstinons à tenter chaque jour avec les lois accumulées par d’imprudents législateurs. L’expérience peut seule agir sur les esprits hallucinés par leur foi. Or, ces expériences se multiplient et nous apercevons de mieux en mieux les conséquences des mesures précipitées, entassées pour remédier aux imperfections de l’état social. On commence à constater que la presque totalité de ces mesures n’a fait qu’augmenter les maux qu’on voulait guérir, et cela, simplement parce qu’elles prétendaient entraver le cours naturel des choses.
L’énumération de ces lois nuisibles et de leurs répercussions remplirait un volume. Je vais donc me borner à en citer quelques unes avec la concision que le défaut de